C'est aussi cela que Louka m'apprend à regarder autour de moi. Comment chacun vit cette approche de la naissance, à travers l'expérience d'un bébé à venir, d'un bébé déjà là. " On ne voit bien qu'avec le coeur " dit le renard au Petit Prince. Alors, il y a tout un partage à découvrir pour celui qui a le coeur ouvert et qui est affuté aux dimensions de l'invisible.

C'est étrange comme je n'ai pas vu un seul papa se préoccuper du bébé, alors même qu'il se soucie de la maman. Lorsque Fred arrive, son réflexe est de dire bonjour à Louka. Lorsque Fred s'en va, son réflexe est de dire au-revoir à Louka. Parce que Louka est déjà dans notre champ de conscience, il est déjà présent à notre dimension.

Alors, il y a tous ces petits êtres dont j'ai pu croiser la présence, et qui m'ont fait ressentir leur histoire, celle dans laquelle ils viennent s'inscrire.

Il y a Ambrine, très attendue par ses deux parents, après deux petits garçons, mais qui leur donne déjà tant de soucis avant même sa venue. Car elle appuie sur le foie de sa maman qui voit ses transaminases monter. Et il ne faudrait pas que le petit foie d'Ambrine travaille pour deux.

Il y a le petit garçon de cette maman anglaise et qui n'a pas de prénom, non pas parce qu'elle hésite entre un prénom anglais ou un prénom français, mais parce que le papa ne veut pas savoir le sexe ; il a pourtant bien un prénom pour la petite fille, mais même s'il doit commencer à s'en douter parce qu'elle achète tout en bleu, il ne veut pas savoir et le petit garçon n'a pas de prénom.

Il y a Marilou qui doit naître le 16 Mai et je sens Louka qui s'agitte comme pour me signifier que c'est une petite copine de venue au monde, lui qui aurait dû venir pour le 17. Sa maman a eu un accident de voiture et elle a ressenti des contractions, mais elles repartent rassurées car tout va bien.

Il y a Fabien, qui aurait pu s'appeler Lucas, et sa maman n'en peut plus de douleur, cela fait quatre jours qu'elle souffre et le travail est déjà commencé, mais les dix blocs sont saturés et on lui a donné un cachet pour lui stopper la douleur mais elle est complètement sous l'effet et elle a peur de ne plus avoir de force quand on lui demandera de pousser. Et son copain en est complètement paniqué, au lieu de la rassurer, il dit qu'ils ne reviendront plus là, qu'il y a déjà plusieurs femmes arrivées après elle et passées avant. Je lui mets une musique de relaxation et on parle pour la faire tenir. Elle ne veut surtout pas voir sa belle mère, car elle a été violente avec son propre fils et quand elle a essayé de s'interposer, elle s'est vue bousculée vers la fenêtre. Mais Fabien sauve les bonnes grâces de son autre grand-mère qui aimerait tant qu'il vienne au monde pour le 16, parce que sa propre fille, la maman, est née ce jour-là. Alors, quand elle finit par dire qu'elle n'en peut plus, comme par miracle un bloc s'est libéré. Il n'est pourtant que 19 heures. Et Fabien est venu de justesse, le 16, à minuit et quart.

Il y a le petit garçon chinois qui n'a pas encore de prénom mais qui est attendu avec amour, et qui a profité du séjour de ses parents en France pour venir naître à Marseille, vers le 25 Mai. Est-ce encore pour cela que des affinités se créent et que nous sympathisons naturellement avec ses parents ?

Il y a surtout Alan très entouré, familialement et matériellement, déjà choyé, mais sa maman a continué tous ses déplacements comme si elle n'était pas enceinte et Alan s'est manifesté, a percé la poche des eaux et il va lui falloir venir avant, deux mois d'avance, mais il fallait leur dire qu'il avait surtout besoin d'attention et d'amour, tout simplement, avant même la jolie chambre et les cartons de vêtements. Et je regrette très fort de devoir être transférée d'Hôpital, sans plus de préavis, la veille de cette naissance que l'on provoquera par césarienne et qui m'a éveillé beaucoup de sympathie. Î